L’Éco austral : Comment analysez-vous le contexte économique et géopolitique mondial et ses perspectives ?
Marc-Alexandre Masnin, directeur des Investissements : Le dernier rapport du FMI, publié en juillet 2025, a relevé sa prévision de croissance mondiale à 3 %, contre 2,8 % en avril. Cette révision à la hausse s’explique par l’instauration de droits de douane finalement moins élevés que ceux annoncés début avril. Toutefois, le FMI reste prudent, soulignant que la politique tarifaire de Donald Trump continue de faire peser des risques sur la stabilité économique mondiale.
Aux États-Unis, l’accélération de l’inflation, illustrée par un indice des prix à la production supérieur aux attentes, complique la tâche de la Fed. Si des taux élevés freinent l’inflation, ils pèsent aussi sur l’économie. Les premiers signes de fragilité apparaissent déjà, notamment sur le marché de l’emploi et dans l’immobilier commercial, dont les défauts atteignent un sommet depuis 2020.
En Chine, la dépendance aux exportations demeure forte alors que la demande intérieure reste fragile. Les ventes au détail en juillet n’ont progressé que de 3,7 %, contre 4,6 % attendus. Dans ce contexte, un nouveau choc commercial mondial pourrait freiner davantage la croissance chinoise.
La course à l’intelligence artificielle est le point focal de la guerre commercial menée par les États-Unis. À titre d’exemple, la puce Huawei Ascend 910c n’atteint que 31 % des performances de la Blackwell de Nvidia. Huawei a néanmoins dévoilé un supercalculateur (CloudMatrix 384) 1,7 fois plus puissant que celui de Nvidia, mais nettement plus coûteux (8 millions de dollars contre 2,67 millions) et plus énergivore. Malgré ce retard technologique, Huawei investit massivement, consacrant 20,8 % de son chiffre d’affaires en R&D en 2024. Enfin, l’assouplissement des restrictions envers la Chine sur les puces pourrait accélérer le développement de modèles d’IA plus performants.
Peut-on identifier des opportunités d’investissement, dans quels types de produits et dans quelles parties du monde ?
Avec un rendement attendu du S&P 500 à 4,5 % contre 4,3 % pour les Bons du Trésor à 10 ans, la prime de risque actions est à un niveau historiquement
bas. Cette situation s’explique surtout par l’envolée des semi- conducteurs (+68 % depuis avril, Nvidia +100 %) qui a porté le S&P 500 à un record mais avec quelques valorisations excessives (P/E > 30x). Les obligations à long terme gagnent ainsi en attractivité, notamment au Moyen-Orient où la baisse marquée des spreads de CDS n’est pas encore pleinement intégrée dans lesprix, offrant ainsi un potentiel supplémentaire. Une autre option consiste à investir dans des produits structurés liés aux Bons du Trésor américains. Nous proposons par exemple des obligations structurées offrant des rendements annuels garantis entre 7 % à 8 %, adossées à une dette souveraine dont la note vient d’être confirmée à AA+ par S&P.
Dans un contexte où l’écart de rendement entre actions et obligations se réduit, ces solutions illustrent le regain d’intérêt pour les titres à revenu fixe.
Traditionnellement, les gestionnaires de patrimoine prônaient une diversification pour « ne pas mettre tous oeufs dans le même panier ». Certains ne sont plus d’accord avec ce principe. Qu’en pensez-vous ?
La diversification demeure un pilier essentiel de la gestion de portefeuille, car elle permet de limiter les risques liés à un secteur, une classe d’actifs ou une zone géographique. L’adage « ne pas mettre tous ses oeufs dans le
même panier » reste pertinent, notamment dans un contexte marqué par le retour de politiques commerciales protectionnistes où les droits de douane perturbent les chaînes d’approvisionnement et fragilisent les secteurs les plus exposés au commerce international. Une concentration excessive accroît alors la vulnérabilité des portefeuilles.
À l’inverse, une diversification trop large peut diluer les performances et aboutir à une simple réplication du marché, sans réelle valeur ajoutée. L’enjeu réside donc dans une diversification sélective : répartir le capital entre différentes classes d’actifs afin de réduire le risque systémique, tout en se concentrant sur des secteurs ou des entreprises de qualité.
On dit que plus la prise de risque est importante, plus le gain peut être important. Est-ce qu’il existe un juste équilibre ? Quels conseils pouvez-vous donner ?
Oui, cette affirmation est correcte mais incomplète, car il faut aussi considérer le risque de perte, souvent aussi déterminant que le rendement espéré. L’équilibre entre ces deux dimensions dépend du profil et des objectifs de l’investisseur. Tel profil qualifié d’« agressif » (fort rendement, fort risque) privilégiera un portefeuille dominé par les actions, de produits alternatifs et d’instruments à effet de levier. Pour ce type d’investisseur, la tolérance aux pertes et un horizon d’investissement long sont essentiels. Une stratégie « Barbell », combinant actifs spéculatifs à haut rendement et placements sûrs, permet de concilier potentiel de gains et protection en cas de repli. En somme, l’objectif doit rester aligné avec le profil de l’investisseur, qu’il soit agressif, prudent ou équilibré et son portefeuille doit pouvoir s’adapter à l’évolution de sa situation et de ses ambitions.