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Les affaires reprennent à l’île Maurice - à quoi doivent s'attendre les secteurs du tourisme, de l'hôtellerie et de l'immobilier ?

Les affaires reprennent à l’île Maurice - à quoi doivent s'attendre les secteurs du tourisme, de l'hôtellerie et de l'immobilier ?

Publié le
22 novembre, 2021
Publié dans la catégorie
Opinions d'experts
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Après près de 18 mois passés à batailler pour se maintenir à flot malgré 2 périodes de confinement national, de sévères restrictions sanitaires, et la fermeture des frontières nationales, Maurice a opté pour une reprise des voyages internationaux le 1 octobre 2021. Dotée d'une des économies les plus solides d'Afrique, Maurice a dû pagayer seul et mener sa barque aussi bien que possible pour braver la tempête.  À présent que les affaires ont repris, à quoi peut s'attendre l'île, qui dépend fortement des secteurs du tourisme et de l'hôtellerie, lors des semaines, mois, et même de l'année à venir ? Rajeev Basgeet – Partenaire chez PwC, Anusha Ramkhalawon et Suunil Goreeba – Responsables des relations-clients chez AfrAsia analysent les opportunités à saisir et défis à relever dans les domaines immobilier et hôtelier.

 

Suite à la réouverture des frontières internationales, comment va évoluer le monde des affaires lors de la prochaine année selon vous ?

 

Rajeev Basgeet : Un sentiment de normalité, ou plutôt de « nouvelle normalité » devrait s'installer progressivement.  Je dis cela sous réserve bien sûr car l'épisode COVID-19 n'est pas encore derrière nous.  Avec la campagne de vaccination qui bat son plein à Maurice et la sortie du pays de la liste grise du GAFI, le moment ne pouvait être mieux choisi. Comme les secteurs financier et hôtelier sont deux gros contributeurs au PIB, ces événements ont donné un élan significatif à notre reprise économique. Une amélioration au niveau de ces deux secteurs d'activité, associée à un secteur manufacturier qui a bien résisté - assurant la continuité des mouvements monétaires - nous permet d'aborder la prochaine année avec optimisme en ce qui concerne le climat des affaires. Les activités liées à ces segments économiques, tels que l'immobilier et les PME, entre autres, devraient également renouer avec une relance indispensable.

 

Cela dit, il ne faut pas sous-estimer les défis que pose un redressement économique durable. Par exemple, les retards de livraison dus aux perturbations mondiales au niveau des chaînes de distribution finiront par avoir une incidence sur la consommation de masse et constituent un défi majeur. Autre élément à considérer : la productivité de notre main-d'œuvre. Ceux-ci pourraient avoir un impact considérable sur la reprise, notamment dans les domaines manufacturier et hôtelier. Ces dynamiques doivent donc être correctement gérées.

 

Ce dont je parle ce sont les piliers de notre « vieille » économie. Au vu de cette amélioration attendue du contexte économique, nous devrions penser à jeter les bases d'une « Nouvelle Économie » en adoptant, tous ensemble, une position ferme qui permettra de garantir notre résistance aux chocs futurs et la reconquête de notre avantage concurrentiel. Les secteurs public et privés devront d'ailleurs collaborer pour explorer le potentiel de filières sous-exploitées telles que l'économie bleue et / ou élaborer un nouveau modèle économique axé sur des objectifs durables. En accompagnant nos efforts collectifs de confiance et de foi en nos capacités, et nous reposant sur une main-d'œuvre qualifiée, nous parviendrons à remettre Maurice sur les rails. Il est vrai que nous ne devrions pas sous-estimer les variants de la COVID-19, surtout avec l'apparition du variant Delta sur notre territoire. Cela étant, nous n'avons d'autre choix que d'avancer ensemble d'un pas sûr.

 

 

Quelle influence aura ce paysage macroéconomique changeant sur le secteur bancaire et financier ?

 

Anusha Ramkhalawon : L'économie mauricienne a déjà basculé dans son nouveau normal. Il n'est donc plus question d'un retour en arrière. La dette du secteur privé, qui inclut la dette des entreprises et des ménages, est largement supérieur à 92 % du PIB prévu pour l'année alors que la dette du secteur public est légèrement supérieur. Avec de tels niveaux d'endettement, notamment par rapport aux recettes du secteur public - incluant des engagements non provisionnés et en comparaison aux flux libres de trésorerie du secteur privé non-financier - les perspectives de croissance demeurent au mieux modérées, étant donné notre positionnement tout au long du cycle de l'endettement. L'épargne nationale brute se chiffre également à approximativement 8 % du PIB, ce qui signifie qu'il est essentiel d'attirer davantage d'investissements étrangers directs pour globalement stimuler les investissements.   

 

 

Bien que les moratoires et le soutien apporté par l'État sous forme de sauvetages financiers (à travers la MIC - Mauritius Investment Corporation) et de régimes d'assistance salariale aient permis d'éviter le pire en termes d'arrêts de paiements, de nombreux secteurs, tels que l'hôtellerie, n'ont eu, à quelques exceptions près, que peu de possibilités de recapitalisation et de consolidation (opérations de fusion et d'acquisition). La capacité de Maurice à retrouver durablement la voie d'une croissance faible à moyenne de 3 %, à moyen terme, dépend de l'aptitude des secteurs privé et public à maîtriser le processus de désendettement à venir.  

 

 

Étant donné le niveau d'endettement élevé par rapport à la trésorerie disponible dans certains secteurs de l'économie, il est hautement probable que les banques demeureront prudentes et feront de la qualité une priorité dans les secteurs tels que la santé, qui présentent des caractéristiques plus défensives et bénéficient également de tendances structurelles à long terme telles que le vieillissement de la population. Comme il semble que la prochaine décennie aura pour devise repenser les vieux modèles économiques et assainir les bilans, nous nous attendons à ce que des formes plus flexibles de financement au niveau de la structure du capital gagnent en popularité auprès des prêteurs, notamment à travers l’octroi de crédits de manière plus personnalisée : produits structurés, obligations convertibles, etc. 

 

 

S’agissant du secteur de l'hôtellerie, en particulier celui du tourisme, au vu des dernières mesures d'assistance mises en place par le gouvernement pour faciliter son redressement, à quel type de relance et de croissance devrions-nous assister ?

 

Suunil Goreeba : L'économie mauricienne dépend du secteur du tourisme car celui-ci contribue, directement et indirectement, pour 25 % au PIB et représente 20 % de l'emploi total.  Afin d'apporter l'appui nécessaire au secteur, le gouvernement a mis en œuvre deux mesures clés :

 

  • Un mécanisme de financement à long terme pour les opérateurs du secteur sous forme d'obligations privilégiées convertibles à 9 ans de la MIC à utiliser pour financer les besoins en fonds de roulement pendant cette période difficile ;
  • Un régime d'assistance salariale (le Government Wage Assistance Scheme (GWAS)), soit une subvention salariale offerte au employeurs, en réponse à la Covid-19, pour veiller à ce que tous les employés continuent de recevoir leur salaire.

 

Le ministre des Finances a également confirmé que les autorités introduiront de nouvelles mesures pour soutenir le secteur du tourisme, en cas d'arrivées moins importantes que prévu après la réouverture des frontières. 

 

Maurice accueille des visiteurs étrangers depuis mi-juillet et la stratégie « bulle de villégiature » a permis à certains hôtels de l'île de reprendre leur activité, même si les taux d'occupation sont demeurés faibles.  Toutefois, depuis la réouverture complète des frontières aux touristes vaccinés depuis début octobre, les principaux opérateurs du secteur confirment un taux d'occupation de plus de 50 % pour ce 10e mois de l'année. 54 000 touristes ont visité l'île pendant le mois d'octobre 2021, et environ 80 % d'entre eux arrivaient d'Europe.  Il s'agit d'une tendance extrêmement encourageante pour le secteur.  L'industrie estime que le taux d'occupation dépassera les 60 % pendant les mois de novembre et de décembre 2021 s’il n'y a aucun changement au niveau des règles régissant les voyages internationaux et de la disponibilité des places d'avion.  Le taux d'occupation des cinq étoiles étant actuellement supérieur à celui des hôtels de catégorie inférieure, il semble que le pays ait conservé, pour sa clientèle haut de gamme, tout son attrait. 

 

 

À tout ceci, il faut ajouter le fait que du côté des liaisons aériennes, depuis octobre, cinq compagnie aériennes supplémentaires desservent Maurice (Air Seychelles, Austrian Airlines, Corsair, Condor et Air Belgium). L'arrivée de 120 000 passagers est prévue en novembre et cela est prometteur.  Jocelyn Kwok, PDG de l'AHRIM (association des hôteliers et restaurateurs de Maurice) se veut optimiste à l'égard des taux d'occupation moyens des hôteliers pour novembre et décembre, et pense que ceux-ci pourraient être même supérieurs aux 50 % et 65 % attendus respectivement. Comme le taux d'occupation des cinq étoiles est actuellement supérieur à celui des hôtels de catégorie inférieure, selon lui, le pays semble avoir conservé, pour sa clientèle haut de gamme, tout son attrait.

 

 

Le gouvernement planche sur divers scénarios concernant les arrivées de touristes, avec comme chiffre de référence approximativement 300 000 arrivées en 2021 et 650 000 arrivées pour la période prenant fin en juin 2022.  Cela nous permet d'espérer une amélioration progressive de la situation dans ce secteur et un retour à des taux d'occupation d'avant-Covid d'ici 2023. Ce qui signifie que l'activité dans toutes les industries connexes devraient également connaître un nouvel élan. Je pense ici notamment au secteur des produits alimentaires et des boissons, à la production agricole et même au secteur de l'immobilier dans une certaine mesure.

 

 

À propos du secteur de l'immobilier mauricien, comment se porte-t-il et son futur est-il prometteur ?

 

Anusha Ramkhalawon : Les conditions financières à l'international demeurent favorables aux marchés de l'immobilier qui bénéficient globalement du niveau important de liquidités. Toutefois, les pressions inflationnistes croissantes sur le plan international, associées aux mentions de plus en plus fréquentes d'une possibilité de « tapering » (ralentissement progressif du rythme d'achats d'obligations à grande échelle) par la Réserve fédérale pourraient tempérer tout optimisme ressenti à cet égard. S'agissant du segment luxe des marchés immobiliers locaux, il est peu probable qu'on assiste à des fluctuations importantes au niveau du prix, ce qui devrait inciter à la résilience à court terme. Les projets immobiliers intégrés intelligents et écologiques visant les retraités continuent pour leur part d'offrir des opportunités et le moins que l'on puisse dire c'est que, le futur est en effet prometteur dans ce domaine ! Cependant, nous restons prudents, voire moins optimistes en ce qui concerne la vente de villas haut de gamme à moyen terme.   

 

 

Rajeev Basgeet :  Il ne faut pas oublier que même avant l'apparition de la pandémie, la surexposition de l'économie dans le secteur de l'immobilier était déjà source de nervosité. On évoquait également la possibilité d'éclatement d'une bulle. Le montage de prêts destinés au secteur était sous surveillance renforcée. 

 

 

Bien que la COVID-19 ait freiné la demande, il semble que le degré de confiance dans le secteur demeure élevé. Et c'est bon signe. Nous avons récemment constaté que des projets majeurs sont en cours de développement. Les promoteurs ont repensé et adapté leurs projets afin de tenir compte des aspirations en pleine évolution des acheteurs. Les notions d'intelligence et de respect de l'environnement font ainsi partie intégrante des nouveaux projets dans le but d'améliorer l'expérience de vie des futurs acquéreurs. Cela devrait stimuler la demande dans ces segments et ainsi permettre au secteur de l'immobilier de continuer à prospérer.

 

 

Selon nous, le défi posé aux promoteurs sera de trouver le bon compromis entre les anciens projets pas encore vendus et la gestion des aspirations changeantes des acheteurs. Il faudra toutefois faire attention aux retards au niveau de l'exécution des projets qui pourraient avoir une incidence négative sur la confiance. Comme observé sur le plan international, l'appui gouvernemental aux projets immobiliers en difficulté tarde à venir. Un flux de crédit vers le secteur est essentiel pour soutenir celui-ci, du point de vue de l'offre comme de la demande.  

 

 

Au cours des dernières années, le gouvernement a également introduit plusieurs régimes permettant aux non-résidents d'acquérir un bien immobilier à Maurice. Une initiative renforcée par les mesures budgétaires 2021-2022 proposées lors des deux dernières années, incluant le dispositif « Premium Visa », l'allongement de la durée maximale des Occupation Permits pour les professionnels étrangers de 3 à 10 ans et des Permanent Residency Permits de 10 à 20 ans, ainsi que le passage du montant minimum d'achat de 500 000 USD à 375 000 USD pour l'acquisition d'une villa à Maurice.

 

 

Cela dit, bien que le secteur comporte des acteurs majeurs, capables d'en garantir la solidité, nous devons continuer à remettre en question nos acquis afin de comprendre comment les divers segments immobiliers peuvent stimuler la croissance future du PIB de façon durable. 

 

 

Est-ce le bon moment pour investir dans l'immobilier ?

 

Rajeev Basgeet : Au niveau macroscopique, nous assistons à un certain retour de l'optimisme et les investisseurs reprennent confiance. L'occasion de répondre aux besoins dans tous les segments, qu'il s'agisse de clientèles fortunées, de résidents ou de non-résidents, existe bel et bien. Du côté de l'offre, il n'y aucune restriction. Si l'accès au crédit n'est pas interrompu, cela pourrait bien représenter une opportunité d'investissement. Ce qu'il faut faire, c'est commencer, dès maintenant, à commercialiser ces opportunités à travers les campagnes internationales de promotion du secteur hôtelier, et inciter les banques ayant une forte clientèle privée fortunée à leur présenter ces opportunités d'investissement. Par exemple, une plateforme technologique permettant de rapprocher au mieux tous ces acteurs (promoteurs, banques, et acquéreurs) pourrait être envisagée afin d'accélérer le processus d'investissement. 

 

Anusha Ramkhalawon : Compte tenu de l'augmentation de la dette publique à l'échelle mondiale, les autorités fiscales des pays occidentaux subiront de plus en plus de pression pour combler les écarts fiscaux qui profitent aux riches. Il est probable que les juridictions offshores devront faire face à un nombre croissant de défis, y compris dans le domaine de l'immobilier car celui-ci permet aux étrangers de bénéficier d'économies fiscales grâce à leur statut de résident. Toutefois, comme nous assistons partout sur la planète à une hausse du coût de la vie alors que les baby-boomers partent à la retraite, si Maurice parvient à offrir un produit compétitif en matière de vie après la retraite, associé à des services tels que des soins de santé privés et des soins à long terme de qualité, ce segment immobilier devrait pouvoir attirer des investissements étrangers et susciter l'intérêt des retraités. Ajoutons à cela, le fait que Maurice ne figure plus sur la liste grise du GAFI, et que toutes les parties prenantes sont à l'œuvre pour renforcer son positionnement en tant que centre financier de substance, et nous pouvons affirmer en toute sécurité que c'est bien un rayon lumineux que nous apercevons au bout du tunnel.

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