Plusieurs sanctions ont été annoncées par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Europe et d’autres pays depuis les propos de Poutine et le renforcement de ses actions militaires sur le terrain. Quel sera l’impact de ces sanctions économiques visant les banques russes, certains milliardaires russes et le secteur de l’énergie sur la Russie ainsi que sur le reste du monde ?
La seconde vague de sanctions visant notamment l’accès au dollar par les banques russes montre un certain durcissement du ton des Américains. Cependant historiquement les sanctions n’ont pas limité les ardeurs de Poutine de conquérir les territoires voisins. Déjà en 2008, lorsque la Géorgie a été annexée, des sanctions avaient été déployées, mais cela n’a pas empêché la Russie d’envahir la Crimée en 2014. Les sanctions sont des solutions à long terme, mais ne freineront pas les chars de pénétrer dans Kiev avec pour objectif de destituer le président Zelensky. Cependant, outre le robinet du gaz, la Russie a également la possibilité de mettre en place des représailles comme ce fut le cas en 2014 avec l’embargo sur les produits alimentaires. Dimitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité a d’ailleurs confirmé que la Russie était déjà préparée à ce flow de sanctions. La sanction la plus importante a été d’interdire l’accès aux banques et institutions russes au système de messagerie bancaire SWIFT. Mais depuis que cette menace a été brandie en 2014, la Russie a mis en place son propre réseau de communication interbancaire. Le nombre effectif de banques connectées à cette messagerie reste cependant limité et d’ailleurs aucune banque américaine n’en fait partie.
La Russie est le 3ème plus gros producteur de pétrole. Après avoir connu une hausse brutale pour frôler la barre des $ 100 dollars, le cours du baril de pétrole a légèrement chuté. Certains analystes parlent déjà d’un baril à $ 120 dollars, quel sera les conséquences pour Maurice qui subit déjà l’inflation de plein fouet en ce début d’année ?
Le baril de pétrole revient sur des niveaux que nous n’avions pas connus depuis 2014. Il y a 2 causes, la production des membres de l’OPEP+ est toujours volontairement réduite de l’ordre de 4M de barils jour comparativement au volume de production pré-pandémique ce qui maintient artificiellement le prix du brut, mais les craintes de croissance économique, plus faible que prévu en 2022, avaient limité la pression sur les cours fin 2021. Ce n’est que lors du début des tensions au tour de l’Ukraine que les prix ont fortement progressé. Sur l’espoir que le conflit ne s’étende pas et que les sanctions ne seraient qu’économiques, le pétrole avait légèrement reflué mais les dernières avancées semblent indiquer que le conflit pourrait s’éterniser. Le conflit a probablement poussé à la hausse le prix du pétrole de l’ordre de 10-15 dollars. Ceci a donc une incidence directe sur l’inflation qui est déjà à un niveau jamais vu depuis les années 80, notamment aux Etats-Unis. La FED, la banque centrale américaine, qui doit augmenter son taux d’intérêt directeur lors du meeting du 16 mars va être sensible à l’évolution de ce prix. Si le conflit était amené à perdurer, alors la hausse des taux pourrait être de 50bps. Dans ce cas, le dollar s’apprécierait encore et serait directement dommageable pour Maurice et l’économie locale. Plus le dollar s’apprécie face à l’euro plus la banque centrale locale n’aura d’autres choix que de déprécier la roupie. Les prix à l’importation qui ont déjà subi une hausse de près de 20% vont automatiquement se répercuter sur les prix à la consommation en plus des prix à la production qui restent depuis plusieurs trimestres à des niveaux très élevés. En plus de l’incidence directe sur les prix à la pompe.
Les marchés financiers internationaux pourront-ils absorber les effets de cette première tranche de sanctions et d'autres plus lourdes à venir?
Par le passé, les sanctions économiques applicables contre la Russie ont été relativement sans effet. Les Européens sont très dépendants du gaz russe, et encore plus en période hivernale. Des sanctions sévères pénaliseront l’Europe puisque les Russes pourraient augmenter drastiquement les prix et entrainer la croissance économique européenne en récession. D’ailleurs la suspension du gazoduc Nord Stream 2 devrait à court terme pousser les prix du gaz à la hausse. L’Allemagne importe 55% de ses besoins en gaz de Russie. De son côté, le président Poutine a déjà négocié des accords de livraison de gaz avec la Chine afin de limiter l’incidence sur le PIB de son pays. L’autre mesure importante qui a été prise par les Etats-Unis vise à interdire le financement de la dette russe par les occidentaux. C’était déjà effectif depuis avril 2021 pour le moins pour les banques américaines. Les agences de notation Moody’s et S&P ont déjà réajusté la note de crédit de la Russie en dette à risque. Pour le moment aucune partie n’a intérêt à rentrer dans un conflit mondial qui se traduirait par une situation perdant-perdant. Les marchés accusent donc le coup mais le scenario du pire n’est pas encore reflété dans les cours actuels, la menace nucléaire que Poutine a brandi pourrait faire basculer les marchés dans un bear market